Peux-tu nous expliquer ce qu’est exactement la believability et en quoi elle est centrale dans la mise en place des PNJ ?  

Le concept de believability se retrouvait déjà chez Disney à leurs débuts quand ils cherchaient à rendre leurs personnages plus charismatiques, non pas réalistes mais bien crédibles, intégrés dans l’univers dans lequel ils évoluent. Lasseter et Pixar ont continué ce travail, et aujourd’hui dans nos jeux, quand on dit qu’un personnage doit être believable, on parle de sa capacité à s’intégrer dans son environnement et réactif à ce qu’il se passe autour de lui.  Beaucoup d’études se sont intéressées à ce sujet et évoquent notamment l’importance de la personnalité, ce qui rend un personnage unique, mais aussi sa capacité à interagir avec les autres agents et l’environnement ou encore sa cohérence par rapport à nos connaissances internes d’observateur.

 

Comment réussir à mesurer cette believability qui, par définition, relève beaucoup de la subjectivité, de la perception ?

Il existe, dans la littérature scientifique, des échelles de mesure permettant de juger cette crédibilité. Mais généralement, ce sont des échelles assez larges pour être généralisables à des situations très différentes. Dans le cadre de ma thèse, nous sommes encore en réflexion sur notre propre échelle, dans la continuité de ce qui a été proposé jusque-là. L’idée étant de déterminer les paramètres sur lesquels on pourra agir pour ajuster la believability. J’ai déjà pu travailler sur la cohérence entre l’apparence d’un PNJ (ses vêtements et équipements par exemple) et son comportement (hostile, amical, etc.), et je vais continuer à tester d’autres paramètres.

Assassin's Creed Odyssey
Assassin’s Creed Odyssey

Sur quels processus ou tests t’appuies-tu ? Comment rendre concret cette notion auprès de joueur.euses qui parfois, sont novices et n’ont pas toujours les bons codes ? 

On travaille sur de la vérification d’hypothèse dans un contexte très contrôlée. Dans un premier test, on va avoir une interaction avec un seul PNJ dont on va contrôler l’apparence, les comportements et la position du joueur. C’est un cadre différent d’une partie classique, mais une fois que l’on aura vérifié ou non notre hypothèse, on la testera dans un contexte de jeu normal, par exemple lors de playtests avec l’User Research Lab.

En ce qui concerne les joueurs.euses, on est obligé de sélectionner les participants.es selon nos hypothèses de recherche et donc parfois on a des participants qui connaissent le jeu, parfois non. C’est une information importante à prendre en compte lorsqu’on étudie la perception. Nous prévoyons également de créer un questionnaire détaillé sur le sujet, à leur destination et que l’on espère pouvoir diffuser largement.

 

In fine, comment créer un bon PNJ, plus enrichissant pour les joueurs et leur expérience de jeu ?

Créer des PNJ plus crédibles est mon objectif de thèse. Il faut améliorer leur cohérence, leurs références internes, pour que leurs comportements soient perçus comme rationnels. Un Lapin Crétin, quand on sait ce que c’est, on a des attentes précises, mais on s’attend aussi à ce qu’il soit rationnel dans son irrationnalité. Le Lapin Crétin doit être crétin. C’est d’ailleurs ainsi que je définis l’intelligence dans le cadre de ma thèse : il faut avoir un comportement rationnel vis-à-vis de nos références internes d’observateur. C’est ce sur quoi on travaille au studio et on espère que cela pourra aider les équipes de production à proposer des personnages non-joueurs toujours plus crédibles et cohérents.

 

Rédigé par Vincent Manilève dans Stories !